Il est presque six heures, les premiers rayons de soleil caressent le faîte des toits du petit village javanais. Les habitants sortent de la maison pour profiter de la « fraicheur » matinale et saluer les voisins. La journée commence par un sourire échangé, ici l’harmonie et la bonne humeur sont de mise.

Un peu plus tard dans la matinée, le riz, les légumes, les épices et parfois la viande cuisinés par la maîtresse de maison sont placés sur la table. Chacun viendra se servir pendant la journée, guidé par l’appétit et non par des horaires fixes. A l’exception d’évènements particuliers, on ne mange pas en famille. Il y a bien d’autres façons d’entretenir les liens familiaux et amicaux.

Alors que certains partent au travail et que les enfants sont déjà à l’école, un homme rentre chez lui. Il est sept heures du matin. Il a veillé toute la nuit, avec d’autres voisins, pour assurer la sécurité du quartier. Chaque jeune homme du voisinage passe ainsi une fois par semaine la nuit dans la maison du garde. Même si les temps sont calmes, cela permet d’entretenir les liens sociaux et l’entraide entre personnes si chers aux yeux des javanais. Si par exemple un incendie survient, l’appel est lancé à l’aide d’un tambour, généralement un grand bambou résonnant nommé kentongan. Tout le monde sort alors muni de sceaux d’eau pour aider à éteindre le feu. C’est ce même instrument qui réunit tous les dimanches matins les habitants pour le grand nettoyage des rues et qui sert à prévenir qu’une réunion de voisinage est sur le point d’avoir lieu.

Le chef du village fait sa ronde matinale pour récupérer les pièces de monnaie placées dans un petit récipient accroché à l’entrée de chaque maison, le jimpitan, mot qui signifie « prendre un petit peu » en javanais. Cet argent permettra d’acheter du riz pour aider les plus démunis, les malades et les personnes âgées qui ne peuvent plus travailler. Autrefois on plaçait directement trois cuillères de riz dans ce petit récipient. Les temps changent mais les habitudes restent.

Les rues deviennent calmes, le chant mélodieux des oiseaux se fait entendre, couverts de temps en temps par les cloches des marchands ambulants de sate et de soto ayam. Parfois, des musiciens passent devant les maisons pour jouer un morceau dans l’espoir d’obtenir une petite pièce.

En fin d’après-midi, tout le monde rentre chez soi. Il est l’heure de prendre le café ou le thé, de bavarder et raconter sa journée.

Un voisin passe dans les maisons. Il organise dans la soirée un slametan pour célébrer le premier mois de son enfant. Le slametan est un repas tenu entre voisins pour diverses occasions. Naissances, mariages, décès, maladie, ensorcellement, mauvais rêves, récoltes, l’ouverture d’une usine, n’importe quel évènement peut occasionner un slametan. Cette réunion est le véritable ciment de la vie sociale à Java. Les convives sont prévenus au dernier moment et doivent quitter leurs activités pour se joindre au repas. A l’occasion d’une naissance par exemple, après avoir salué la mère et le bébé, les hommes s’assoient en groupes, discutent, débattent pendant que les femmes et les jeunes filles s’affairent près de la jeune maman. Vient ensuite l’heure du repas, en premier lieu destiné aux esprits qui cohabitent sur Terre avec les hommes. Ces esprits se nourrissent des arômes qui se dégagent des plats et, une fois repus, laisseront l’enfant tranquille. Les invités rassasiés repartent, emportant avec eux les restes du repas qu’ils partageront plus tard avec leur famille.

La nuit peut enfin s’écouler paisiblement, jusqu’aux chants des coqs qui, le lendemain matin, marqueront le début d’une nouvelle journée dans ce petit village javanais.